TOUCHER n’est pas toujours bien AIMER…


Sujet : TOUCHER n’est pas toujours bien AIMER…

Alaska, petite femelle Samoyède de huit semaines, est entrée dans ma vie en 2006. Loin d’être le fruit du hasard, ce projet d’accueil a longtemps été pensé. Intention de réaliser à plus ou moins long terme, avec sa fidèle collaboration, des interventions dans le champ des activités de Médiation Animale Associant le Chien.

Autant dire qu’elle a été cherchée, attendue, espérée. Exigences impérieuses pesant déjà sur ce petit être, avant même son arrivée.

Mille kilomètres plus tard, alors que la joie d’accueillir cette magnifique boule de poil blanche l’emporte sur la fatigue, Alaska fait son entrée dans notre famille.
A ce stade de l’histoire et pour être tout à fait honnête, je dois avouer qu’à l’époque, je n’avais pas toutes les clefs pour accéder à la réalité canine vers laquelle je tendais.
Pour moi, en qualité de futur chien médiateur, elle se devait entre autre de venir « spontanément » au contact de l’Homme. Et de me lancer dans cette quête éperdue du caresser, toiletter, manipuler et parfois même imposer, ce tactile qui me … touchait tant.

Elle semblait cependant plus ou moins bien vivre ces « assauts » pour y avoir été familiarisée dès son plus jeune âge dans son milieu d’élevage. Et à mon grand bonheur, au fil de nos interactions, Alaska est devenue une jeune chienne TRES tactile (trop ?).

Je me souviens de nos promenades quasi quotidiennes à travers champs et forêts. Espaces de liberté et de complicité dans lesquels j’aimais à me réfugier. Nous avions alors un rituel bien rodé : elle laissait libre cours à ses comportements d’exploration, sensoriellement happée par cette nature qui exhalait les odeurs d’une vie insoupçonnée.

Chaque trace était ainsi minutieusement disséquée grâce à un comportement de flairage appliqué, comme si elle essayait de s’en approprier la moindre quintessence. Symphonie olfactive dont je n’aurais jamais la clef, handicapée par ma condition d’être pensant.

Dans ces moments là, je me tenais en retrait, assise sur un tapis d’herbe grasse, observant avidement chacun de ses comportements. Et systématiquement, dès qu’elle me voyait immobile, elle venait s’asseoir à mes côtés, se collant contre moi comme si sa colonne vertébrale lui faisait soudainement défaut. Je profitais de ce contact corporel pour promener mes mains dans sa douce fourrure immaculée. Instants de grâce et de communication interspécifique auréolés d’une certaine magie (c’est du moins ce que j’aimais à croire…).

A la maison également, Alaska se montrait très tactile, posant délicatement sa tête sur mes genoux quand je travaillais à mon bureau ou venant me réchauffer les pieds de tout le poids de son corps. Elle me suivait comme mon ombre et ces comportements que je considérais comme une marque d’affection restauraient une petite partie de moi-même.

Il m’arrivait de temps à autre de m’absenter en la laissant seule à la maison. Incompréhension à mon retour en découvrant une selle bien moulée déposée devant la porte d’entrée ou encore le plan de travail de la cuisine tellement chamboulé qu’il m’était aisé de déduire qu’elle l’avait escaladé pour accéder à la fenêtre qui donnait sur la cour extérieure. Je devais comprendre plus tard qu’elle tentait de garder un contrôle visuel alors que je me soustrayais à sa présence et à ses contacts.

Quand mes embrassades et cajoleries suintaient des sentiments HUMAINS de tendresse et d’affection, Alaska « parlait » CHIEN de toute la puissance de son corps…
Nous n’avions pas accès au même langage, aux mêmes codes sociaux, si bien que cette communication que je pensais pourtant particulièrement bien établie, s’en trouvait brouillée, incohérente, devenant dans le même temps source de tensions.

Quelques éléments de réflexion…

Le sens tactile est le premier sens à apparaître chez Petit Chiot. Toute sa vie durant, il conservera une haute importance. Les premiers comportements de contact sont vitaux pour ce petit être immature qui ne peut survivre sans la présence de sa mère (ou d’une mère de substitution). Giron maternel chaud et sécurisant au sein duquel les besoins primaires de Petit Chiot vont être comblés (régulation de sa température corporelle, léchage de l’ensemble du corps, du ventre et de la zone périnéale pour déclencher l’élimination des déjections, allaitement…).
Peu à peu, Petit Chiot va gagner en autonomie. Les comportements tactiles nécessaires jusque là à son bon développement vont se parer d’une toute autre couleur et devenir COMMUNICATION TACTILE ou comment le chien, animal social par
excellence, dont l’un des besoins essentiels est de savoir où il se situe par rapport à l’Autre, celui avec lequel il interagit, va pouvoir s’ajuster avec…, se mesurer à…, ou encore jauger, au fil de ces interactions, des capacités et des dispositions de son « interlocuteur ».
Et cet Autre, que va-t-il faire de tout cela ?

Ainsi donc, le mouvement des corps, les contacts, les léchages, les jeux, les courses-poursuites deviennent-ils un espace d’échange privilégié pour « parler » SOCIAL.

La tête ou la patte d’un chien sur un congénère pour une proposition de prise de contrôle, le chevauchement (comportement qui n’a rien de sexuel en dehors des périodes propices à la reproduction) pour une prise de contrôle massive, le léchage autour de la zone buccale en signe d’apaisement ou d’allégeance…

Et quand nous, humains, pensons que le chien qui initie le contact fait une demande de caresses, ne tombons-nous pas dans le piège de l’anthropomorphisme ?

Et s’il s’agissait en fait d’une demande d’attention ?

Et si le chien venait s’assurer de notre entière disponibilité ?

Et si nous ne parlions tout simplement pas de la même chose ?

Je laisse là le soin à chacun de rencontrer SA vérité.

Difficile de faire preuve d’une réelle objectivité tant les enjeux affectifs tissés autour de notre relation au chien sont intouchables et peuvent nous entrainer sur des chemins parfois escarpés…

S’il ne fallait retenir que l’essentiel :

Toujours proposer un contact au chien en lui laissant la possibilité d’entrer ou non dans notre demande.
Ne jamais imposer une caresse, étreindre (avec bien souvent la gueule de l’animal à hauteur de visage…), contraindre physiquement un chien, d’autant plus s’il nous est inconnu. Il s’agira également de prêter une attention toute particulière aux comportements des enfants vis-à-vis de ce dernier, même s’il ressemble à une peluche vivante et s’il est réputé appartenir à une race « qui adore les enfants »…
Ne pas répondre au chien qui initie une demande de contact et rester à l’initiative des caresses.
Par contre, laisser l’animal à ses comportements de rencontre et de flairage lorsqu’il vient « faire connaissance » et ce, même s’il s’attarde plus que ne le veut la convenance au niveau de notre zone génito-anale. Prendre, bien entendu, un air faussement détaché en faisant comme si de rien n’était… Et oui, parfois, il faut savoir donner de sa personne…
 

Les Caniconsultant(e)s tiennent leur compétence de la formation professionnelle théorique et pratique exclusivement dispensée par l'organisme de formation OPERRHA (Organisme Professionnel d'Enseignement et Recherche sur les Relations Homme/Animal) fondé et dirigé à ce jour par Danièle Mirat et Michel Quertainmont.
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Sandra TORTORICI
CANICONSULTANTE
Etude, conseil & médiation des cohabitations Homme/Chien
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