Les chevauchements du chien : s’agit-il vraiment de sexualité ?
Ou bien plutôt de pseudo sexualité ?


Sujet : Les chevauchements du chien : s’agit-il vraiment de sexualité ? Ou bien plutôt de pseudo sexualité ?

Les chevauchements du chien et de la chienne
la sexualité chez le chien et la chienne

Au registre des idées reçues sur les comportements de nos chiens, celles sur la sexualité sont tenaces. « Obsédés de la chose », « homosexuels » sont les qualificatifs les plus courants dont sont affublés les chiens (mâles ou femelles d’ailleurs !) qui se distinguent en chevauchant (sans retenue !) congénères de même sexe ou opposé, autres espèces animales ou même humains petits ou grands.

Quelques explications simples bousculeront les idées fausses au sujet de certains comportements dits « sexuels » du chien, pour une meilleure perception de la réalité canine.

Mais qu’est-ce qu’ils ont ?

- Frisco le caniche scandalise sa maîtresse quand il « s’empresse » (me dit celle-ci) sur tout congénère qui passe ! « Les femelle, d’accord je comprends, mais il a les mêmes ardeurs pour les mâles !! »

- Jean Louis me confie que Ulk son Rottweiler « veut culbuter » les visiteuses gênées autant qu’effrayées qui arrivent chez lui.

- Embarrassée, la maîtresse de Toffy le Golden me dit que son chien essaie parfois de « l’attraper » surtout quand son mari s’absente !

- Les maîtres de Suzy la Cocker la surprennent « s’acharnant » sur le chat ou sur Simon leur petit
bambin !

- Tokie la femelle Pinscher chevauche l’autre petite Pinsher Siloue et ce plusieurs fois par jour !

- Tyrex le Boxer « s’active » sur son panier tous les soirs devant tout le monde !

Que de maîtres gênés et de détours langagiers pour décrire ces situations qui embarrassent au quotidien tant de propriétaires de chiens, qui se méprennent sur la signification de ces comportements. Que d’anthropomorphisme, de réflexions fantaisistes et d’interprétations erronées à propos de ces conduites de leurs chiens, qu’ils interprètent comme sexuelles !

Les canidés sont actifs sexuellement quand ils sont motivés par l’instinct de reproduction et seulement aux 2 périodes annuelles de chaleurs des femelles. Les mâles, eux disponibles il est vrai toute l’année, sont alors fortement stimulés (jusqu’à se mettre en danger) par les odeurs particulières qu’elles dégagent. La recherche mutuelle d’accouplement est alors légitime et commandée pour la survie d’une espèce.

L’être humain, lui, est sexuellement actif tout au long de l’année et n’est pas pour cela uniquement motivé par le besoin de reproduction ! bien loin de là ! Voyant le chien de la famille si souvent animé du désir de chevaucher le chat, ses congénères ou même les humains, et en déduire que lui aussi est motivé par une recherche de plaisir ne serait donc qu’anthropomorphisme.

En dehors des périodes d’oestrus des femelles, il est courant chez les canidés d’observer ces chevauchements qui ont alors une valeur sociale. Les chiots les plus déterminés d’une portée, très tôt et bien avant leur puberté, expriment déjà de cette manière leur volonté d’avoir l’ascendant sur les autres.

La réalité canine 

Frisco, Ulk et les autres chevauchent donc congénères, humains ou coussins sans que l’enjeu de ce comportement soit la sexualité. En mimant un pseudo accouplement, nullement «obsédés par la chose » ! ni homosexuels ! ces chiens mâles ou femelles expriment dans les situations décrites plus haut, leur volonté d’asseoir leur autorité sur l’autre.

Tout congénère qui ne sera pas d’accord pour se laisser imposer cette supériorité saura le faire savoir à l’effronté, mais s’il ou elle laisse faire alors c’est qu’il ou elle accepte ce pouvoir de l’autre. A noter que pour un chien, le fait de mettre sa patte ou sa tête sur l’autre est déjà une expression seulement un peu plus modérée de la même volonté de lui imposer sa dominance.

Sauf si -comme dans le cas de Frisco le caniche- on ne peut plus croiser un chien sans qu’il soit aussitôt l’objet des ardeurs pseudo-sexuelles de votre compagnon, il n’y a aucune raison de ne pas les laisser régler entre eux ces aspects de hiérarchie canine. Ulk le Rott veut donc soumettre toutes les petites amies de Jean Louis, non pas parce qu’il est sensible à leur charme ! mais parce qu’il entend exercer son contrôle sur l’espace où il vit, y compris sur les êtres qui le peuplent ou le traversent.

Et c’est là qu’il y a problème ! car bien sûr ces comportement inacceptables (outre qu’ils sont particulièrement gênants pour le maître et surtout pour les visiteuses !) peuvent devenir dangereux au niveau de la prise de pouvoir que l’animal exerce sur tout son monde. Ulk est dans un système relationnel permissif avec sa famille, qui ne se rend pas compte qu’en lui offrant certains privilèges, leur animal se ressent investi d’une autorité qui lui commande de soumettre son entourage.

Gare à celui ou celle qui voudra un jour simplement s’y opposer ! Ulk pourrait ne pas le supporter et devoir rappeler à l’ordre en menaçant et pourquoi pas en mordant, celui qui oserait…Ulk, bien sûr, a déjà des conduites agressives vis-à-vis de ses congénères  croisés en promenade, qu’il menace ou/et agresse copieusement pour les mêmes raisons.

Les maîtres de ces chiens sont souvent amenés à envisager la castration qui leur est proposée, pour tenter de réduire ces comportements indésirables de l’animal. Certes le chien sera alors bien moins sensible aux odeurs des femelles en chaleur, et (un peu) moins en compétition avec les congénères mâles en balade. Mais cela ne réglera rien du problème de fond qui n’a rien à voir avec la sexualité mais avec le pouvoir.

Chevauchements (et conduites agressives possibles chez les plus déterminés si l’on s’y oppose) seront toujours les seuls messages canins de Ulk, Toffy, Frisco et les autres, pour affirmer leur supériorité. Que dire pour finir de Tyrex le Boxer avec son panier et de ce singulier « partenaire » qui se « soumet » tous les soirs…!

Tyrex aussi cherche à affirmer son autorité, mais de manière moins directe. D’abord parce que ses maîtres l’ont fermement découragé très tôt de monter sur leurs jambes, mais sans pour autant lui opposer l’autorité constante dont il aurait eu besoin pour se structurer plus paisiblement.

Ensuite parce qu’étant chiot dès qu’il s’est exercé à cette activité sur son panier, tout le monde a trouvé cela « si craquant de la part d’un si petit ! » Tyrex est donc aujourd’hui assez inhibé pour ne pas oser par exemple (comme Toffy le Golden) chevaucher sa maîtresse bien trop permissive avec lui, mais pas assez pour exprimer, en compensation tous les soirs et devant tout le monde, son désir de supériorité qu’il redirige sur le panier.

On comprend que toutes ces conduites sont éléments de communication et que si l’on veut les voir s’atténuer et disparaître, il y aura lieu de réorganiser la relation au sein du groupe familial, avec s’il le faut l’aide du comportementaliste. Car il ne s’agira pas tant d’utiliser les méthodes du conditionnement en contraignant l’animal avec un dressage, mais bien plutôt de reprendre l’ascendant sur lui en posant d’autres règles de vie, qui inverseront les positions de l’un par rapport aux autres.

Le chien retrouvera non seulement des comportements plus acceptables socialement, mais aussi une tranquillité émotionnelle bien plus propice à son bon équilibre et sa bonne santé générale.

 

Danièle Mirat – Comportementaliste
Site : http://www.communicanis.com


Photos issus de la Galerie Photos de Frenchtoutou